Nos demandes

1. Une declaration claire

Un accord clair est le prérequis indispensable pour adopter des mesures efficaces et collectives contre la MGF : "La mutilation génitale féminine est un crime ! Nous ne la tolérons pas !» Il faut que l’ONU, l’Union Européenne, l’Union Africaine, ainsi que toutes les autres nations, au nom de tous les Etats membres, adoptent une telle déclaration et s'assurent ainsi que le grand public soit bien informé au sujet de la MGF, pour que personne ne puisse plus prétendre qu’il ou elle ne savait pas que la MFG est un crime !

2. Une législation incontournable et une stricte application

La mutilation génitale féminine est en réalité directement ou indirectement interdite dans de nombreux pays mais les lois peuvent souvent être contournées. Jusqu’à présent, seule la France a mené des enquêtes systématiques à grande échelle

Par conséquent : 

  1. La MGF doit être classifiée comme crime et définie précisément pour qu’il n’y ait plus de doutes sur ce sujet et sur ce qui est considéré comme mutilation.
  2. La MGF doit être poursuivie partout, indépendamment de la nationalité du criminel, de celle de la victime ou du lieu du crime.
  3. Chaque criminel tenu pour responsable de la mutilation d’une petite fille ou d’une jeune fille doit être poursuivi quelles que soient les circonstances.
  4. Chaque suspicion d’un cas d’excision doit obligatoirement entrainer des enquêtes pénales.
  5. Un examen gynécologique des victimes potentielles et de toutes leurs sœurs doit être un élément indispensable dans toutes les enquêtes, indépendamment du consentement des parents.

 

Attention : Dans ce contexte, je voudrais attirer l'attention sur un phénomène qui m'a particulièrement frappée. Dans les familles immigrées il arrive de plus en plus que des parents envoient leurs filles en Afrique à la puberté (à partir de 12 ans), où elles sont mutilées puis mariées de force. Ces jeunes filles ne reviennent plus jamais en Europe, aux États-Unis, au Canada ou en Australie. Les parents restent là-bas en pensant que de cette manière ils peuvent échapper à des poursuites. Cela doit changer ! Les gens qui envoient leurs filles en Afrique pour qu’elles soient mutilées et mariées de force doivent être condamnés par un tribunal européen, américain, etc. et être mis en prison ! Il ne peut y avoir d’autre alternative !

3. La Protection efficace des enfants

Ce qui concerne la législation de l’interdiction de la MGF relève aussi de la protection de l’enfance, directement concernée quand il s’agit d’empêcher le risque de mutilation génitale. Là aussi, des lois existent dans de nombreux pays mais elles comportent souvent des lacunes permettant de les contourner. 

Les points principaux pour une protection efficace des enfants :

  1. Une intervention précoce doit être rendue possible, et non uniquement en cas de « danger imminent ».
  2. Toute suspicion de risque de mutilation doit impérativement entrainer des mesures pour faire en sorte que le danger soit écarté, à long terme aussi.
  3. Un juge doit être autorisé à ordonner un examen gynécologique et des contrôles médicaux réguliers de la petite fille ou jeune fille, ainsi que de toutes les sœurs– même sans consentement des parents.
  4. Si nécessaire, on doit pouvoir interdire un départ de la fille pour l’étranger.
  5. Les juges doivent être autorisés à retirer le droit de garde des parents, de façon limitée dans le temps, et doivent pouvoir ordonner que la petite fille ou jeune fille ne vive pas sous le toit familial pendant un certain temps.

Comme dernière mesure : Un retrait définitif de la garde de l'enfant doit être possible.

4. Dénonciation obligatoire sans restriction

Pour que la protection des enfants fonctionne, que les lois soient appliquées et que les enquêtes soient menées avec succès, il faut que chaque cas de mutilation génitale soit rapporté aux autorités, le manque de dénonciation des cas représente bien souvent un obstacle majeur pour que l’enfant puisse être protégé.

Par conséquent :

  1. Chaque citoyen doit automatiquement être obligé d’aviser les autorités (à la police, la justice, les institutions sociales) de toute suspicion de mutilation génitale féminine imminente ou déjà faite.
  2. Sont notamment concernées toutes les professions qui se trouvent fréquemment en contact avec les victimes, comme les médecins, infirmiers, sages-femmes, spécialistes du travail social, etc. Ces professionnels jouent un rôle très important dans la détection. En cas de non-respect de leurs obligations, ils doivent alors être tenus pour responsables.
  3. Le secret médical doit être levé pour ces cas.

 

5. LA RECONNAISSANCE DE LA MGF COMME MOTIF VALABLE POUR L’OBTENTION DU DROIT D’ASILE ET CE PARTOUT DANS LE MONDE !

La MGF est un crime contre les femmes, simplement parce qu'elles sont des femmes. Celles qui s’opposent à cette pratique, sont forcées, menacées et traquées. Certaines sont encore en danger même après avoir émigré. La MGF est une persécution politique et doit être reconnu comme telle. Celles qui réussissent à fuir ont le droit d’être protégées. Depuis des années de nombreuses femmes politiques, activistes féministes et organisations non gouvernementales demandent que la MGF soit reconnu officiellement comme motif valable pour l’obtention du droit d’asile dans tous les pays du monde !

6. Partie integrante de la formation professionnelle

Toutes les personnes susceptibles d’être confrontées à la MGF dans leurs professions doivent être informées au sujet de cette pratique. Ceci ne concerne pas seulement les médecins, les psychologues, les infirmières, les sages-femmes et les travailleurs sociaux, mais aussi les représentants des Autorités : officiers de police, juges et procureurs.

Seulement celui qui sait ce qu’est la Mutilation Génitale Féminine, où, comment et pour quelles raisons elle est pratiquée, est à même de poser les bonnes questions et de juger si les déclarations sont correctes. Par exemple, une mère qui déclarerait dans une salle d’audience que son bébé n’a pas pleuré durant la mutilation, mentirait – et un juge qui ne serait pas informé de ce qu’est la MGF, ne saurait pas juger si cette déclaration est vraie ou fausse.

La MGF doit par conséquent devenir partie intégrante de la formation professionnelle pour toutes les professions susceptibles d’être confrontées à cette pratique. Dans le cas où ceci serait soit inutile, soit impossible à réaliser, des cours spécifiques à ce sujet devront avoir lieu de manière à combler les lacunes de connaissance. Et même plus, nous considérons que des cours de perfectionnement des connaissances communs à différentes professions, sont nécessaires. Une étroite coopération entre les diverses institutions est requise pour combattre efficacement la MGF. De tels cours de formation avancée aideraient à une meilleure compréhension du rôle des autres professions concernées, et la coopération entre les institutions pourrait s’en trouver significativement améliorée.

7. Les actions ciblées de la prévention

Pour obtenir une prévention efficace, des fonds publics suffisants sont requis.

Cela implique :

  1. Une sensibilisation et une prise de conscience du problème grâce à des campagnes grand public à la télévision, dans les journaux et magazines ainsi que sur des panneaux d’affichage, afin de faire prendre conscience de ce problème et afin d’informer le grand public de la situation juridique et des possibilités d’action.
  2. Des campagnes de sensibilisation spécifique dans les foyers pour réfugiés, dans les écoles, les écoles maternelles et dans les missions sociales.
  3. Une formation spécifique pour les professionnels du milieu médical, des cabinets médicaux et des hôpitaux.
  4. Que lors de la délivrance des visas, tous les consulats dans les pays d’origine, donnent des informations précises sur la situation législative au sujet de la MGF dans les pays pour lesquels la demande de visa est effectuée, et qu’ils informent également les demandeurs de visa de la position des Nations Unies au sujet de la MGF, ceci afin d’informer le plus de personnes possible.
  5. Des examens médicaux réguliers et obligatoires dans les écoles pour toutes les filles.
  6. Protection et soutien adéquat des potentielles victimes et de leurs proches. Cela signifie qu’il faut procurer des logements secrets et aider les femmes qui ont fui leur milieu familial pour que leurs filles échappent à la mutilation.

 

8. Le dialogue avec les gouvernements des pays d'origine où est pratiquée la MGF

La communauté internationale doit communiquer clairement ses positions aux gouvernements des pays d'origine de la MGF et affirmer clairement que la MGF est un crime et que ce crime ne sera toléré nulle part dans le monde ! Dans quelques pays africains existent des initiatives gouvernementales visant à interdire juridiquement la mutilation génitale. Il faut soutenir ces pays dans leurs efforts, et également ceux qui ont déjà interdit la MGF et qui essayent de renforcer leurs lois.

9. Plus de recherches sur la MGF

Même si beaucoup de choses sont connues au sujet de la MGF – il est indispensable d’approfondir encore les recherches. Les stratégies utilisées jusqu’à maintenant dans le combat contre la Mutilation Génitale Féminine sont souvent basées sur des hypothèses et sur des données empiriques qui n’ont jamais été vérifiées avec précision.  Une véritable recherche sur la MGF doit être soutenue et intensifiée grâce à des fonds publics appropriés.

Parmi les questions ouvertes :

  1. Le nombre exact de victimes dans chaque pays/Etat – les données disponibles aujourd’hui se basent seulement sur des estimations approximatives et sur de vagues projections.
  2. Les facteurs qui contribuent à l’abandon ou au maintien de cette pratique dans les pays d’immigration – dans le premier cas il faudra différencier entre 2ème et 3ème génération.
  3. L’efficacité de chacune des stratégies (campagne de sensibilisation, travail social d’éducation, poursuites judiciaires/condamnations) mises en œuvre pour combattre la MGF devra être systématiquement mesurée afin de déterminée quelle est la stratégie la plus efficace.
  4. Les procédures médicales pour la reconstruction du clitoris. La méthode mise au point par le Dr. Foldès semble être une approche prometteuse et devrait faire l’objet de recherches scientifiques sur une plus grande échelle.

 

Ce que nous demandons aux caisses d’assurance-santé, aux associations de médecins et aux associations de services sociaux

1. DES LIGNES DIRECTRICES CLAIRES

Au cours de recherches pour les besoins d’un nouveau livre, nous nous sommes rendus compte qu’une ignorance effrayante sur la MGF prévalait en partie au sein des milieux professionnels qui jouent un rôle essentiel dans la lutte contre la MGF : médecins, infirmières et sages-femmes, travailleurs sociaux, personnel des crèches et enseignants. Et parmi eux, même ceux qui étaient informés sur le sujet ne se sentaient pas sûrs d’eux quant à l’action appropriée à entreprendre s’ils rencontraient un cas de MGF.

Ceci est hautement problématique car les Autorités s’appuient justement sur ces milieux professionnels pour se tenir informées sur les cas de MGF. C’est pourquoi les associations professionnelles doivent établir des lignes directrices claires pour définir quelles actions entreprendre en cas de risque de mutilation ou en cas de suspicion de mutilation, et pour définir quelles mesures doivent être prises pour prévenir de telles crimes. De telles lignes directrices sont indispensables pour sensibiliser ces milieux professionnels au sujet de la Mutilation Génitale Féminine et pour pouvoir intervenir avec succès dans les cas où il est pertinent de suspecter une MGF. Le partage d’information et d’expériences à un niveau international et une comparaison des lignes directrices existantes par-delà les frontières seraient également une contribution bénéfique à ce combat.

La question de la ré-infibulation est une question de haute importance pour la Fondation Desert Flower, c’est-à-dire le fait de recoudre à nouveau le vagin par exemple après l’accouchement. Des médecins relatent souvent des cas où des femmes victimes de MGF demandent elles-mêmes cette opération. Il pourrait sembler correct de répondre à une telle demande mais la Fondation Desert Flower considère la ré-infibulation comme une approbation indirecte de la Mutilation Génitale Féminine.

Il est impossible de condamner la MGF et en même temps de participer activement à sa perpétuation en recousant à nouveau le vagin d’une femme. Nous espérons fortement que partout dans le monde pourra être trouvé un consensus pour condamner et interdire la ré-infibulation.

2. COUVERTURE DU SUJET DANS LA FORMATION PROFESSIONNELLE

En plus des lignes directrices spécifiques à destination de certaines professions, il est très important que les différents acteurs du travail social et du secteur médical aient une compréhension approfondie de cette question. Une information exhaustive – sur les différentes formes et sur les conséquences de la Mutilation Génitale Féminine sur la santé, mais aussi sur la situation juridique de cette question – devrait obligatoirement être partie intégrante de la formation professionnelle.

De plus nous considérons que la formation continue et la remise à niveau sont nécessaires. Savoir que la Mutilation Génitale Féminine est une violation des droits humains, c’est aussi important que le savoir « technique » car dans la plupart des cas, les médecins, les sages-femmes ou les travailleurs sociaux sont les premiers à découvrir un cas suspect de MGF. Tant qu’il n’y aura pas de claire prise de conscience que la MGF est une violation des droits humains – et non partie d’une culture, d’une tradition ou d’une religion - des cas continueront à passer inaperçus à travers les mailles du filet et des filles que l’on n’avaient pas protégées à en être victimes. Il ne faut pas avoir peur d’être traités de racistes, ne pas craindre de perdre la confiance de quelqu’un, ou pire encore ne pas se réfugier dans une attitude pseudo-tolérante d’indifférence comme le serait une personne qui se détournerait du problème d’un simple haussement d’épaules. Ceci s’applique en particulier aux professions qui sont sujettes au secret professionnel. Un médecin par exemple n’acceptera de lever le secret médical que s’il a bien compris qu’il s’agit d’un crime et qu’il relève de son devoir humain et de sa responsabilité d’intervenir.

Il y a certainement des différences spécifiques aux différentes professions et il faut en tenir compte. Un gynécologue par exemple a besoin de savoir avec précision comment se présente un vagin mutilé afin d’être capable de diagnostiquer correctement la mutilation. Ceci ne s’applique pas aux autres spécialistes médicaux ou aux autres professions dans ce domaine. Tous les secteurs professionnels qui peuvent être confrontés à la Mutilation Génitale Féminine devraient cependant avoir des connaissances de base. Nous considérons comme utile et nécessaire qu’il y ait une formation interdisciplinaire incluant aussi les métiers de la police et des autorités judiciaires.

3. UN TRAVAIL DE PREVENTION ETENDU ET SYSTEMATIQUE

Ceci inclut :

  1. Des campagnes de sensibilisation dans les centres d’accueil pour réfugiés, les écoles, les écoles maternelles, les hôpitaux, et en connexion avec les travailleurs sociaux :
  2. Une consultation médicale pour les patients provenant des groupes à risque.
  3. Des contrôles de santé réguliers et obligatoires pour toutes les filles des écoles maternelles et des écoles, incluant un contrôle gynécologique.
  4. De cette façon, la violence sexuelle sur les enfants pourrait être détectée plus facilement.
  5. Des mesures de protection sociale (en fournissant par exemple des appartements secrets) aux parents qui ont fui leurs familles pour que leur(s) enfant(s) ne soient pas mutilées.

 

4. CHIRURGIE RECONSTRUCTRICE GRATUITE EN EUROPE

Chaque femme qui le souhaite, devrait pouvoir bénéficier de soins de chirurgie reconstructrice gratuitement. Ceci inclut l’ouverture de la couture en cas d’excision totale des petites lèvres et des grandes lèvres (dé infibulation) ainsi qu’une chirurgie reconstructrice des tissus si demandé. Les fonds d’assurance santé dans tous les pays devraient accepter et supporter les couts. Au cours de l’opération chirurgicale reconstructrice, le clitoris est au moins partiellement reconstruit ainsi que je le décris dans mon livre « Enfants du Désert ». Les sensations sexuelles reviennent dans 80 % des cas. Malheureusement seul un chirurgien français, le Dr. Pierre Foldès, qui a mis au point cette technique, et ses associés, sont capables de réaliser de telles opérations de chirurgie reconstructrice. Ces opérations ne font pas toujours l’unanimité et je connais quelques personnes qui ont refusé cette opération. Cependant nous voulons que cette technique soit connue dans le monde entier et que bientôt, elle soit utilisée par d’autres médecins de façon à ce que toutes les femmes qui le souhaitent ( !) puissent bénéficier d’une telle réparation chirurgicale.

5. ECHANGES INTER-FRONTALIERS, COOPERATION AU NIVEAU MONDIAL

Actuellement la plupart des efforts pour stopper la MGF sont entrepris uniquement à l’intérieur des frontières d’un pays. Dans presque tous les pays, des méthodes et réglementations différentes sont employées pour combattre la Mutilation Génitale Féminine. Les expériences ne sont pas suffisamment partagées entre les pays. Au cours des voyages que fit Waris dans le but de faire des recherches pour son livre « Enfants du Desert », elle parla avec beaucoup de personnes – principalement des médecins spécialisés en MGF – de la méthode chirurgicale développée par le Dr. Foldès. Même si cette technique existe depuis des années, presqu’aucun d’entre eux n’avaient entendu parler de cette technique. A court et moyen terme nous avons besoin d’intensifier les échanges d’information entre les institutions des diverses nations – au moyen de conférences, projets de recherche, séminaires, s’adressant à des participants internationaux.  Seulement de cette façon nous serons capables de trouver les meilleures stratégies pour combattre la MGF et pour éviter des erreurs qui font perdre du temps. A long terme nous avons besoin de procédures cohérentes des Nations Unies contre la Mutilation Génitale Féminine car la MGF est un problème international, mondial, qui nous concerne tous !

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